Fiction et genre à la télévision :

L' Anthologie

1955-65 ; 1985-86 ( Etats-Unis, Anglais )

Création : Alfred Hitchcock

Production : Alfred Hitchcock

Genre : Anthologie, Drame, Thriller, Mystère, Horreur, Crime

Durée : 10 saisons, 25' ép. puis 50' ép.    

Anthologie produite et présentée par Alfred Hitchcock sur les chaînes CBS et NBC.  A partir de 1962, le titre et la longueur de l'anthologie changent : The Alfred Hitchcock  Hour qui, au lieu des 26 min., dure 50 min. par épisode.   Un renouveau de la série est diffusé dans les années 1980, mais ne dure qu'une saison.  

A chaque épisode son histoire à suspens. La fin est rarement celle attendue. 

2014- en diffusion (Etats-Unis, Anglais)

Création : Noah Hawley

Production : Joel et Ethan Cohen

Genre : Drame, Thriller, Crime

Durée : 3 saisons, 48' ép.  

Anthologie diffusée sur la chaÎne FX qui s'inspire du film du même nom réalisé par les Cohen et sorti en 1996. 

Tout commence par un qui pro quo entre les habitants d'une ville tranquille du Minnesota et la venue d'un tueur.  Situations étranges, voire loufoques garanties.  

2014- en diffusion (Etats-Unis, Anglais) 

Création : Nick Pizzolato  

Production : HBO 

Genre : Anthologie, Drame, Policier 

Durée : 2 saisons, 60' ép.  

Anthologie produite et diffusée sur HBO qui a annoncé une troisième saison.

A chaque saison un duo policier, une enquête, une atmosphère oppressante et des personnages mal dans leur peau dont nous découvrons les batailles personnelles au fil des épisodes. 

2011- en diffusion (Angleterre, Anglais)

Création : Charlie Brooker

Production :  Channel 4 (2011-14), Netflix (2014- )

Genre : Anthologie, Drame, Thriller, Horreur, Science-fiction.

Durée : 4 saisons, 40' à 90' ép.   

Anthologie dystopique diffusée les trois premières années sur Channel 4, puis a été rachetée par Netflix qui, par ailleurs, a annoncé une cinquième saison à venir.  

Chaque épisode raconte l'histoire d'un ou des personnage(s) et leur rapport à de nouvelles technologies. Bien souvent, l'escalade vers la dépendance et l'horreur est de mise. 

L'Anthologie, qu'est-ce que c'est ?

Définition! 

C'est un format de fiction télévisuelle

Dès le milieu du XXe siècle, l’anthologie définit certaines émissions télévisées anglo-américaines :

Chaque épisode raconte une histoire différente (narration autonome) et développe un univers propre (monde autonome). Le lien se fait à travers la présence physique ou sonore d’une personne qui légitime et introduit chaque épisode dans l'anthologie.

ex. Alfred Hitchcock Presents, 1955-1965.

MAIS

Depuis les années 2000 et le développement d'anthologies télévisées, la définition de ce sous-genre ne peut pas se résumer à la présence d'une personne qui donne une homogénéité à l’ensemble des épisodes...

Depuis les années 2010, selon Stéphane Benassi (Maître de conférence à l'Université de Lille),  se développent deux formes d'anthologie à la télévision :

1. La forme dite «classique» :
Chaque épisode est indépendant narrativement et diégétiquement, porté par un/e réalisateur/trice et des acteurs/trices différents/es. La cohérence se construit, par exemple, à travers la thématique et le générique.

Ex. Black Mirror, 2011-    

2. L'anthologie saisonnière ou anthologie feuilletonnesque :
L’effet anthologique ne se situe pas au niveau des épisodes mais des saisons. Chacune d’elle construit et développe un récit, une diégèse propre, qui évolue au fil des épisodes dont le dernier correspond à la clôture de celui-ci.

Ex. American Horror Story, 2011-

Fargo, 2014-

True Detective, 2014-    

Le fil rouge entre les saisons peut s’établir de différentes manières, ce qui rend d’autant plus compliquée la compréhension du sous-genre qu’est l’anthologie. Par ailleurs, certains liens narratifs entre les saisons viennent brouiller le caractère anthologique de séries telles AHS ou Fargo.

Ce terme a été théorisé par Etienne Souriau en 1951. Selon lui la diégèse est « tout ce qui est censé se passer, selon la fiction que présente le film [ou la série dans notre cas] ; tout ce que cette fiction impliquerait si on la supposait vraie. » 

SOURIAU, Etienne, « La structure de l'univers filmique et le vocabulaire de la filmologie », dans Revue internationale de filmologie, n° 7-8, 1951, p. 240

Autrement dit, il s'agirait de considérer la fiction de la série comme un monde possible possédant ses règles et ses possibilités  et à partir de cette croyance, imaginer la suite du récit, des aventures des personnages ainsi que l'expansion de ce monde fictif. 

Gérard Genette, théoricien s'intéressant particulièrement à la narratologie, a repris cette notion dans les années 1970 afin de désigner tout l'univers spatio-temporel désigné par le récit dans les oeuvres littéraires. 

GENETTE, Gérard, Figures III, Paris, éd. du Seuil, 1972.

BENASSI, Stéphane, Séries et feuilleton TV. Pour une typologie des fictions télévisuelles, Liège, CEFAL, 2000.

BENASSI, Stéphane, « Sérialité(s) », dans Sarah Sepulchre (éd.), Décoder les séries télévisées, 2e édition, Bruxelles, De Boeck, 2017, pp. 79-114.  

Histoire de l'anthologie

Lorsqu'on veut s'informer sur Internet, on croise rapidement l'idée que celle-ci ferait son grand retour, au point qu'il est parfois fait mention d'un «  nouvel âge d'or » de l'anthologie (comme on peut le lire en titre ici). Mais qu'en est-il réellement ? Les années 2000 correspondent-elles à une résurgence du format anthologique ? Et quelles pourraient être les raisons à cette résurgence ? Pour cela, faisons un bref retour sur les débuts de l'anthologie à la télévision.

Tout commencerait aux Etats-Unis dans les années 1940, avec la série Lights Out (NBC, 1946-1952), adaptation de l'émission radiophonique éponyme diffusée de 1934 à 1947et qui ne devient régulière qu'à partir de 1949. Cependant, selon le site The Museum of Broadcast Television, la première anthologie serait  Kraft Television Theatre (NBC, 1947-1955; à lire ici).

Quoiqu'il en soit, dans les années 1950, la production d'anthologies se multiplie (voir graphique ci-dessous) avec notamment Alfred Hitchcock Presents (CBS, 1955-1960; NBC, 1960-1962) ou Playhouse 90 (CBS, 1956-1960), participant ainsi à ce qui a été considéré comme le premier âge d’or des séries télévisées.

Source des données

Il faut cependant interpréter ces données avec précautions, car malheureusement la source n'est pas des plus fiables. En effet, il existe peu d’études sur le sujet et, hormis des définitions, les travaux académiques sont très rares. Le seul lieu proposant une liste (non exhaustive) est la page anglaise de l’anthologie (« anthology ») de Wikipédia.

Les historiens du cinéma semblent d’accord pour affirmer qu’il existe de nombreuses anthologies dans les années 1950. Elles diminuent progressivement pour finalement revenir en force dès la fin des années 2000. Mais les pratiques de production, de réalisation et de diffusion adoptées à l’époque contemporaine se différencient de celles du milieu du XXe siècle. Dans les années 1940 à 1960, elles sont filmées et diffusées en direct (ce qui est appelé live anthology drama en anglais, à savoir : « série anthologique en direct ») – ce qui explique la difficulté d’accéder à des épisodes qui n’ont pas été enregistrés. De plus, il s’agit en majorité d’adaptations de pièces de théâtre ou radiophoniques préexistantes, ce qui n’est pas le cas des anthologies actuelles. Comment, dès lors, sur la base de telles différences, peut-on parler d’un « nouvel âge d’or » de l’anthologie ?

Dans les faits, le nombre d’anthologies dans les années 2010 ne monte pas en puissance comme le laissent entendre certains journalistes probablement piégés par leur propre engouement. Les raisons qui expliquent cette impression d’accroissement du nombre sont multiples : le phénomène de Peak TV (cf. mon cours), l’apparition des plateformes en ligne (Netflix, Amazon Prime, etc.) et le visionnage en streaming. Il faut ajouter à cela les contextes de production et de réception : les thèmes abordés, la

« qualité » et la complexité des séries, ainsi que les moyens de promotion font qu’elles sont davantage médiatisées. De même que la présence d’acteurs/trices ou de réalisateurs/trices célèbres (Matthew McConaughey et Woody Harrelson dans True Detective ou Jodie Foster en tant que réalisatrice d’un épisode de Black Mirror) génère une plus-value de visibilité et de publicité.

L'anthologie dans (presque) tous ses états

Univers                                             Thématique (Genre)                                 Continuité narrative

Sur quoi se base la cohérence entre épisodes et saisons dans les différentes anthologies?

L'univers est la cohérence du monde créé et développé au fil des saisons. 
Il prendrait en compte la géographie et la période dans lesquelles se déroulent les événements des épisodes. 

La thématique ou les genres renverrait plutôt à l'esthétique, les sujets abordés et la construction du récit si ceux-ci sont affiliés à un/des genre/s cinématographique/s. 

Au sein des anthologies, la continuité narrative est minimale puisque les épisode ou les saisons sont autonomes. Néanmoins, certaines séries de ces dernières années brouillent cette caractéristique canonique.

Intrigué/e ? Regardez donc ces séries et faites-vous votre opinion ! 

Alfred Hitchcock Presents et Black Mirror sont deux anthologies dites «classiques» qui reposent sur des thématiques ou des genres qui confèrent une homogénéité aux épisodes, tout comme le générique ou la présence d’une personnalité qui se charge d’introduire et d’apporter une caution artistique à l’anthologie.

 De ce fait, la continuité narrative paraît ténue, maintenue par un générique devenu reconnaissable que ce soit pour l'une ou l'autre des séries.  

L'univers n'est pas le liant principal des épisodes, néanmoins, relevons que chaque épisode se situe aux Etats-Unis à l'époque contemporaine, pour AHP, tandis que les univers de BM ne semblent pas avoir d'ancrage temporels ni géographiques précis. 

Fargo et True Detective sont certes  deux anthologies saisonnières, néanmoins la cohérence se fonde sur des caractéristiques très différentes. 

Pour la première, l'univers (Fargo et le Minnesota, les références aux films des frères Cohen) ainsi que la présence de personnages récurrents au fil des saisons participent à l'effet anthologique. 

Quant à la seconde, ce sont les genres policier, drame et gothique qui constituent les connecteurs entre les différentes saisons.